Digitalisation des opérations : et si l'ISA-88 revenait en force ?

La digitalisation des opérations

La digitalisation des opérations est une composante essentielle de la transformation numérique des entreprises de fabrication. Elle concerne donc la quasi-totalité des entreprises industrielles. Dans les grandes lignes, la digitalisation des opérations va le plus souvent consister à remplacer un workflow (flux de travail) papier par un workflow traité informatiquement. Le traitement informatique du workflow peut se faire de différentes façons qui peuvent aller d'une séquence simple d'opérations à des séquences complexes, autorisant plusieurs opérations en parallèle au sein d'un graphe complet, l'exécution conditionnelle de sous-ensembles d'opérations, etc.

Quel que soit sa complexité, l'enchaînement des opérations pourra être figé, au sein d'un programme informatique ou d'automatismes, ou modifiable par un utilisateur autorisé. Dans ce dernier cas et à moins que les séquences à construire ne soient particulièrement simples, il est intéressant de mettre à disposition de l'utilisateur un langage, si possible graphique, de description du workflow. Plusieurs représentation de type BPM (Business Process Management) s'inspirent de la Business Process Management Initiative et de l'OMG (Object Management Group). Elles sont le plus souvent un compromis entre les possibilités offertes et la simplicité de représentation. La figure 1 ci-dessous donne un exemple d'une représentation de ce type.

 

BPM (Business Process Management)

Figure 1 - Exemple de BPM (source Wikipedia)

Une définition plus fine des opérations

Les graphiques BPM représentent bien les opérations et leur enchainement, mais ne donnent que peu d'indications sur leur traitement : s'agit-il d'opérations manuelles ou automatiques, quels sont leurs paramètres d'entrée et de sortie éventuels, les opérations nécessitent-elles des ressources physiques (équipements) pour s'exécuter, des ressources humaines, leurs conditions d'exécution se trouvent-elles dans la définition du produit à fabriquer, ou dépendent-elles de l'installation et de son état ? La définition de tous ces élements va demander des compléments à la représentation standard de base, ou le plus souvent une programmation annexe qui n'est plus aisément accessible pour l'utilisateur.

Pour la représentation des opérations de fabrication, ou de manière plus générale pour les opérations liées à la fabrication (qualité, maintenance, logistique), il existe un langage standard permettant de les définir beaucoup plus finement et d'en contrôler l'exécution : il s'agit du langage PFC (Procedure Function Chart) du standard ISA-88, assez proche du langage Grafcet largement utilisé par les automaticiens. Pensé au départ pour les procédés semis-continus ou batch, ce standard peut être étendu aux procédés continus ou discrets par les travaux sur le Non Stop Manufacturing comme nous l'avons fait dans notre plateforme COOX.
Le schéma ci-dessous donne un exemple de graphe PFC.

Langage PFC de l'ISA-88

                                Figure 2 - Langage PFC de l'ISA-88

Dans ce graphe, les 3 contrôles sont tous trois exécutés, mais leur ordre est indifférent. Il peut éventuellement être choisi par l'opérateur. Le choix de mise en sac ou mise en caisse est en revanche un choix exclusif, il peut dépendre de la gamme du produit ou d'une information terrain, par exemple une variable automate de contrôle.

L'avantage du standard ISA-88 est qu'il fournit l'ensemble des outils pour l'exécution effective des opérations. Il permet de gérer la réservation ou l'allocation dynamique des équipements nécessaires à l'exécution de chaque opération, l'évaluation des expressions qui conditionnent l'exécution d'une branche du graphe (mise en sac ou mise en caisse dans l'exemple ci-dessus). Il prévoit la définition des paramètres d'entrée et de sortie d'une opération.
Dans le cas d'une opération manuelle, les paramètres d'entrée sont les consignes, textuelles ou numériques, données à l'opérateur tandis que les paramètres de sortie sont les saisies qu'il effectue.
Dans le cas d'une opération automatique, les paramètres d'entrées et de sortie sont ceux transmis ou renvoyés par les automatismes.
Des cas plus complexes sont également traités par le standard, comme l'itération conditionnelle de certaines étapes ou la synchronisation d'opérations effectuées en parallèle, par exemple parce que les produits d'une opération en cours sont utilisés par une autre opération avant que la première soit terminée.

Comme on le voit, le langage PFC de l'ISA-88 fournit un cadre standard très complet de représentation des opérations, mais aussi un cadre standard pour la parfaite définition de leur exécution. C'est donc un outil précieux pour la digitalisation des opérations, maillon essentiel de la transformation numérique des entreprises industrielles.